Entrevue avec Marcia Poirier de Wildabout Wampum

Par Marcelle Paulin pour le site Web de la Communauté rurale de Cocagne
Le 31 août 2015

marciaPoirier

Photo par Daniel St-Louis

À cinq ans, la petite Marcia veut être une artiste. Elle le ressent dans son âme et dans son cœur. Cela inquiète ses parents qui craignent que leur fille vive dans l’insécurité et rencontre les difficultés qu’ils associent à une vie d’artiste. Marcia s’intéresse donc à la biologie marine et par un caprice du destin, se retrouve maintenant artiste, utilisant les coquilles de palourde comme matériau.

Sans en avoir conscience au départ, Marcia a développé une technique de fabrication de bijou qui s’apparente à une méthode traditionnelle amérindienne. Elle utilise la coquille de palourde pour en faire de magnifiques bijoux qu’elle vend dans de nombreuses boutiques au Canada et aux États-Unis. Wampum veut dire « perle en coquillage ». Les Amérindiens utilisaient ces perles montées en collier ou en ceinture dans certains rituels.

Marcia Poirier et son conjoint Dave Francis habitent à Cocagne depuis maintenant 5 ans. Les grands-parents maternels de Marcia, Rose-Marie et Edmond Gagnon, et leur fille Léa, la mère de Marcia, sont originaires de notre communauté, par contre, Marcia est née à Hartford au Connecticut. La famille de Marcia revient au Canada et s’installe à Irishtown  lorsqu’elle a 10 ans. Comment se retrouve-t-elle à Cocagne maintenant?

Marcia : « Dave et moi avons commencé Wildabout Wampum dans un ancien garage à Shediac. Le local n’était pas idéal et à un moment donné, il a fallu chercher ailleurs. L’ancienne propriété de l’imprimerie Cormier Printing de Cocagne était disponible. On a pu y installer l’atelier, une petite boutique et y habiter. Ça me plaisait de revenir à Cocagne parce que je gardais de très bons souvenirs des visites chez mes grands-parents dans mon enfance. J’aimais beaucoup aller pêcher des palourdes avec eux à l’Île de Cocagne. »

Marcelle : « Comment en êtes-vous venue à fabriquer ces beaux bijoux? »

Marcia : « J’avais trouvé au bord de l’eau une coquille de palourde et il me semblait voir un cœur sur la face intérieure de la coquille. J’ai la chance d’avoir un conjoint qui a toujours cru en moi et en mon talent. Il m’a acheté un petit kit d’outils et j’ai fait un petit cœur avec la coquille de palourde. Lorsque je le portais à mon cou, les gens me demandaient où j’avais pris ça. Il n’était pourtant pas tellement beau. C’était le premier. J’ai beaucoup amélioré ma technique et je suis mieux équipée aujourd’hui mais j’ai conservé ce petit cœur. »

L’originalité et la qualité du travail de Marcia ont été reconnus par des gens d’ici et d’ailleurs. À quoi Marcia attribue-t-elle le succès de ses œuvres?

Marcia : « La beauté qui se révèle sous la surface de la coquille, ses couleurs vibrantes,  un travail fait à la main avec amour sont autant de raisons qui permettent aux bijoux de se démarquer. C’est avec les années et l’alternance des saisons chaudes et froides que les palourdes acquièrent ces teintes de blanc et de violet. En général, j’utilise des palourdes qui ont de 30 à 100 ans. Les gens disent ressentir de la sérénité lorsqu’ils portent une de mes créations. Parce qu’ils sont beaux et originaux et que chaque pièce est unique, les bijoux  Wampum attirent le regard et suscitent la curiosité des gens.

Les palourdes peuvent vivre jusqu’à 700 ans (voir l’histoire de Ming, le plus vieux mollusque au monde à http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/7066389.stmet, sur le site Web de Wildabout Wampum). Certaines personnes de Cocagne m’apportent des coquilles de palourdes pour m’encourager dans mon travail. »

Marcelle : « Vous faites des bijoux et aussi des sculptures. D’où vous vient l’inspiration pour fabriquer vos œuvres? »

Marcia : « De la palourde elle-même. J’essaie de maximiser le potentiel de la palourde en étudiant le mouvement des lignes. Je fais des dessins certains soirs pour me guider le lendemain lorsque je sculpte le bijou. J’utilise de l’équipement de joaillier maintenant. Je veux que les gens disent wow lorsqu’ils voient mon travail. »

Marcelle : « Est-ce que vous aimeriez utiliser un autre matériau que la palourde? »

Marcia : « Oui et je le fais déjà. C’est intéressant et inspirant pour une artiste d’essayer autre chose. J’ajoute à certaines pièces des incrustations de pierres fossilisées par exemple et ça donne de très beaux résultats mais la palourde fera toujours partie de mon travail. »

Marcelle : « À quoi ressemblent vos journées maintenant? »

Marcia : « C’est un travail exigeant physiquement. Je fais de la course régulièrement pour me tenir en forme. En été, les journées de travail sont très longues, jusqu’à 14 heures par jour, six jours par semaine. En plus de toutes les étapes de la fabrication des bijoux, il y a les ateliers pour touristes que j’offrais cet été pour la 2e fois. Mon conjoint qui s’occupe de la gestion et de la vente et de certaines étapes de la fabrication, a d’aussi longues journées que moi.

L’hiver, nous avons un horaire de travail plus balancé et je peux me concentrer à créer des pièces uniques et plus élaborées. Je trouve intéressant de créer des pièces différentes. J’ai fait à la demande de la Ville de Shediac, une sculpture en forme de homard. Certaines de mes pièces se retrouvent maintenant à l’autre bout de la planète. Trois pendentifs en forme de croix ont été achetés par des Japonais qui les ont fait bénir par le Pape! »

Marcelle : « Vous avez mentionné des ateliers offerts aux touristes. Comment est-ce que ça fonctionne? »

Marcia : « C’est sur réservation seulement et ça dure une heure. Vous faites un choix parmi 20 formes simples. Je travaille avec la personne à tailler et à polir la pièce. J’aime beaucoup partager avec les gens les connaissances que j’ai acquises sur les palourdes et sur la fabrication de bijoux. En plus de l’expérience qu’ils ont vécue ici, ils repartent chez eux avec un bijou qu’ils ont aidé à fabriquer. »

Marcelle : « Nous l’avons mentionné plus tôt, vos pièces sont vendues au Canada et aux États-Unis. »

Marcia : « Oui, nous vendons la majorité de nos bijoux à des boutiques pour touristes du Canada Atlantique et de la Floride. Nous avons aussi des points de vente ailleurs comme à Fort McMurray, en Alberta ou à Savannah au Tennessee. Il y a une liste d’attentes de boutiques qui veulent faire affaires avec nous. Comme c’est du travail fait à la main, la production est limitée et nous ne voulons pas diminuer la qualité pour augmenter la quantité. Depuis cinq ans, j’ai une apprentie, Kim Reeder, qui peut maintenant faire les pièces les plus simples. Cet été, nous avions aussi une étudiante qui s’occupait de la boutique. »

Wildabout Wampum, c’est le résultat du travail d’un couple. Marcia a toujours pu compter sur le soutien et la participation de son mari qui s’occupe du côté administratif ce qui permet à Marcia de se concentrer sur son art. Dave et Marcia ont toutes les raisons d’être fiers de ce qu’ils ont accompli. Marcia a reçu de nombreux prix pour ses créations. Plusieurs entrevues ont été présentées à la radio et à la télévision. De nombreux articles ont été publiés dans les journaux et dans des magazines réputés comme l’américain «Lapidary Journal Magazine » et le « Amazing Canadian Fashion Magazine » de Toronto. Récemment, dans un journal de Londres,  Wildabout Wampum est apparu dans une publicité du Bureau du tourisme du Nouveau-Brunswick parmi les 7 raisons de venir visiter la province.

Marcelle : « Comment voyez-vous l’avenir de Wildabout Wampum? »

Marcia : « Nous voulons continuer bien sûr mais plus tard j’aimerais enseigner le métier à quelqu’un pour transmettre mon amour et ma passion et ainsi m’assurer que ça continue. J’aimerais travailler avec d’autres artistes. Pour le moment, c’est l’inspiration qui me fait lever le matin et je suis heureuse. »

Merci, chère Marcia, pour cette rencontre vivifiante et passionnante. Félicitations à vous deux!

Vous pouvez voir une partie du travail de Marcia sur le site Web www.wildaboutwampum.com ou visiter sa boutique au 4879, Route 134 à Cocagne.

Photo par Daniel St-Louis